Journal du futur

 

Voici une partie d’un journal de bord, vraisemblablement venu du futur. Il semble nous raconter une expédition très similaire. Son auteur, certainement un des membres d’équipage de Plancton Cosmique nous relate un futur dur pour la planète mais où l’espoir d’un monde meilleur existe encore.

 

25 Aout 2032

Quelque part entre le ciel et la mer

Ça y est, deux jours après avoir quitté le port de Sept-Îles, la pollution lumineuse commence enfin à s’estomper et notre navire plonge doucement vers la noirceur et les étoiles.

Je me rappelle avec nostalgie notre voyage d’il y a maintenant quatorze ans. “Plancton Cosmique” ou plutôt.. “Plancton Comique” devrait-on dire. Je me souviens en effet surtout de nos moments de rire et de joie.

Je me souviens aussi qu’à peine sortis de Sept-Iles, on avait déjà l’occasion d’observer les anneaux de Saturne, Andromède et Mars qui dominaient le ciel. Les voyageurs étaient émerveillés par cette danse des astres errants.

Aujourd’hui, ils seraient simplement agacés et contrariés de voir les lumières éblouissantes de Sept-Iles et ses environs.

Je me souviens toujours qu’à cette époque, on prévoyait de protéger 10% du Saint-Laurent en 2020. On était optimiste, passionné et rêveur. Aujourd’hui, devant la réalité frappante de ce fleuve abîmé, il est plus dur de rêver. 5% ce n’est pas assez ! Il est dur de voir qu’aujourd’hui, malgré la population sensible et consciente, le gouvernement a toujours plus peur d’une coup’ de compagnies plutôt que de son peuple…

Mes sombres pensées sont brusquement arrêtées par le rire puissant du groupe. Aujourd’hui, nous fêtons l’anniversaire de Christian , notre guide dans l’exploration du monde microscopique. Comme à chaque année sur le bateau, il nous prépare son fameux Poulet aux quarante gousses d’ail (qui est devenu le poulet aux 300 gousses d’ail…). Notre chaleureux et passionné Capitaine Lancelot nous conte une blague comme il sait si bien le faire. C’est juste que la, avec sa série de jokes sur le chimpanzé, on est rendu à l’épisode 30 et on commence à se taner… Sharif essaye de rebondir sur la dernière Joke, mais en tant que plongeur fou des profondeurs, il finit pourtant par s’enfarger..

C’est finalement le vent qui vient éviter le naufrage de la soirée et réveiller tout le monde.

Ça souffle sur le pont.

Le monde s’active, hisse les voiles.

Le foc se gonfle, les cordes grincent, le bois craque et les poulies crient.

Le vaisseau s’incline. L’équipage, silencieux, s’enfonce un peu plus dans la noirceur.

Quelques iles se dessinent au loin. L’archipel de Mingan. Une certaine Louise je crois, disait :

“On entre en Minganie comme on entre dans un pays de Légende.”

Comme elle avait raison ! C’est en effet maintenant les astres qui orientent notre voilier. Ce ciel majestueux, on le doit à la population incroyablement généreuse de Mingan. L’année dernière, les Innus d’Ekuanitshit se sont mobilisés et ont été écoutés pour faire de la Minganie la plus grande réserve mondiale de ciel étoilé et la plus importante aire marine protégée du fleuve. Grâce à eux, nous pouvons voyager dans le passé et nous reconnecter avec la nature et l’univers.

Le vent est tombé. Happé par la magie de la Minganie, l’équipage se tait et observe avec fascination cet environnement qui semble appartenir à une autre époque.

C’est alors que le ciel répond à notre silence. Des aurores se mettent à danser dans le ciel. On croit les entendre chanter. D’ailleurs, saviez vous que les aurores peuvent réellement provoquer des sons ? Cet espèce de craquement au dessus de nos têtes questionne et captive encore les scientifiques tout en nourrissant les légendes du nord.

Cette lumière fantasmagorique se met alors à se refléter dans les eaux sombres tout en se mélangeant à la bioluminescence du plancton.

Ca y est ! l’infiniment grand et l’infiniment petit dialoguent. L’invisible devient visible. Le rêve redevient possible.

Face à ce mystère et ces infinis, fuel de notre curiosité et notre émerveillement, nous reprenons en main notre optimisme et notre désir insolent, fou et utopique de rendre le monde meilleur.

Rendre l’univers plus beau en nous faisant toujours plus petit, respectueux et surtout, curieux.